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Tribune SOS Préma

Tribune parue dans Le Parisien du 12/04/2020

SOS Préma a tenu à alerter sur la place des enfants hospitalisés à la naissance dans ce contexte de Covid, révélateur de leur place dans la société. Vous pouvez retrouver le texte téléchargeable en PDF en bas de ce texte.

 

Une pandémie mondiale révélatrice de la place du tout-petit dans notre société

Service de maternité d’un hôpital du Grand Paris, semaine 1 du confinement. Deux futures mamans « covid + sévère » ont été césarisées en urgence pour améliorer leurs capacités pulmonaires. Les bébés sont transférés en unité de néonatalogie.
Le couperet tombe et les barrières se ferment : plus aucun parent ne pourra entrer dans ce service de néonatalogie. Un peu plus loin dans le couloir, en service de pédiatrie, les parents sont là, auprès de leurs enfants. Qui pourrait imaginer un enfant de 2 ans seul à l’hôpital ? Personne. Mais les nouveau-nés prématurés, silencieux au fond de leur couveuse et ne pesant que quelques centaines de grammes, semblent être les victimes faciles de nos peurs primaires : les parents sont des vecteurs de contamination.
Depuis, les services de néonatalogie ont, les uns après les autres, instauré des mesures drastiques de restriction d’accès aux parents. Ils ne peuvent plus venir à deux, seulement quelques heures par jour et parfois même, plus du tout. Et ce, malgré les recommandations de la Société Française de Néonatalogie qui préconise leur présence.

La détresse des parents que nous entendons au quotidien s’est transformée en désespoir. Nous croulons sous les appels et entendons les pleurs déchirants de mères, tout juste césarisées et éloignées de leur bébé, de pères, considérés comme des intrus dans la cellule familiale naissante et déjà mise à mal par une naissance prématurée.

Des années de travail et de multiples études scientifiques avaient enfin validé le bénéfice de la présence continue des parents – meilleur développement de l’enfant, meilleur lien parentenfant, réduction du temps d’hospitalisation – et contribué à les habiliter comme « partenaires de soins » et non plus « visiteurs ».

Le COVID-19 semble avoir balayé d’un revers de main les acquis de ces 20 dernières années en France. Les mesures de restrictions imposées aux parents nous laissent sidérés et inquiets : si les soins techniques sont un besoin évident du nouveau-né hospitalisé, qu’en est-il des autres soins comme l’allaitement ou le peau à peau, dont les bienfaits ont été démontrés au plus haut niveau de preuve et qui ne peuvent être réalisés que par les parents ? La théorie de l’attachement a démontré l’importance des toutes premières minutes de vie, alors, quelles seront les conséquences de telles restrictions sur l’enfant et sur la famille ? Au nom de quoi peut-on sacrifier le devenir de ces enfants et interdire à des parents d’être auprès de leur bébé ?

S’ils sont « acceptés » en pédiatrie, pourquoi ces barrières en néonatalogie ? Ce sont les mêmes parents : des acteurs essentiels au bon développement physique et psychologique de leur enfant. Les parents de néonatalogie seraient-il plus source de contamination que ceux de pédiatrie ? Ou même que les soignants ?
Jusqu’à preuve du contraire, les soignants ne sont pas confinés dans les services : eux aussi viennent de l’extérieur et sont source potentielle de contamination. Mais la croyance collective admet que les professionnels sont plus consciencieux, qu’ils font plus attention, qu’ils sont plus responsables quand il s’agit d’hygiène…

Beaucoup de professionnels affirment que les services ferment aux parents pour le bien des bébés, pour les protéger. Mais de quel bien parle-t-on ? Comment accepter que le bien du bébé soit uniquement technique ? Comment accepter de faire fi des milliers de lignes de littératures scientifiques, sociologiques et psychologiques ?

La science est rationnelle, la peur ne l’est pas. Les soignants ont peur, et on les comprend : quelles armes ont-ils pour combattre ce nouveau virus ? Pas ou peu de masques FFP2, ni même chirurgicaux ; pas assez de blouses ni de lotion hydro alcoolique ; pas de test pour être sûr que cette maman au nez qui coule n’a qu’un simple rhume… Alors oui ils ont peur pour leur santé, peur pour celle de leur famille. Et quand on a peur, on se replie, on se confine, on se méfie de l’autre, et ici, l’autre, c’est « les parents ».

Nous ne sommes pas en colère contre les soignants qui font ce qu’ils peuvent dans le contexte actuel qui vient s’ajouter à la maltraitance institutionnelle qu’ils subissent depuis de nombreuses années.
Nous sommes révoltés contre le système qui n’a pas mesuré les conséquences de la séparation parents-enfants dès les premières minutes de vie du bébé. Chambres multiples, horaires de visites pour les parents, séparation mère enfant pendant parfois 15 jours, souseffectifs des équipes soignantes : certains de nos services sont encore à l’âge de pierre malgré les cris des équipes médicales et des usagers depuis de nombreuses années. A quoi servent les investissements dans la recherche si le système de s’adapte pas à ses démonstrations ?

Nous voulons un système et une politique de santé responsables qui préparent la société de demain.
Et dans le contexte actuel si compliqué, nous réclamons une réflexion large et posée, qui ne s’arrêtera pas à la balance bénéfices/risques à court terme et tiendra compte des (nombreux) risques à long terme.

Cette pandémie remet en cause la place des parents auprès de leur enfant. Et par conséquent, elle révèle la place donnée à nos plus petits et notre incapacité à préparer l’avenir. Elle met à nu un système de santé caduque qui ne s’est adapté ni aux progrès scientifiques ni aux études qui les suivent. Et aujourd’hui, ce sont nos enfants, adultes de demain, qui trinquent.

 

Charlotte BOUVARD, Directrice Fondatrice
Audrey REYNAUD, Responsable des affaires scientifiques

 

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